La revue Lettres Numériques a récemment publié sur son site un article qui, sans nous citer explicitement, prend le contre-pied de certains des arguments que nous avions exposés pour pointer les lacunes, les limites voire les dangers du système de « Prêt Numérique en Bibliothèque » (PNB). Voici une liste de dix idées reçues, et la façon dont le collectif SavoirsCom1 y répond. De quoi alimenter le débat, que nous menons conformément aux engagements que nous avons pris dans le Manifeste au fondement de la constitution de notre collectif.
1. PNB permettrait un gain financier et un gain de temps
pour la médiation: on aimerait tellement que cela soit vrai…
« le coût total par livre physique doit aussi inclure les coûts lié au film de protection, à la puce RFID et/ou antivol, au temps de travail d’équipement, de catalogage, de mise en rayon, de prêt, de prolongation et de retours par les bibliothécaires, etc. Le temps gagné avec le numérique pourra servir à faire davantage de médiation numérique vers les usagers, par exemple…«
Effectivement la technologie numérique pourrait faciliter le travail des bibliothécaires et les soulager d’un certain nombre de tâches de manutention et de gestion au profit d’un travail de médiation. Mais il faut relativiser la portée de cet argument. En effet, PNB tout comme d’autres offres de livres numériques proposent exclusivement des livres numériques verrouillés par des DRM (mesures techniques de protection). Comme l’a souligné l’ABF dans son communiqué, la présence de ces verrous implique un certain niveau de maîtrise informatique pour parvenir à accéder au contenu des livres numériques. Un usager qui télécharge un livre numérique via PNB doit d’abord télécharger un logiciel externe Adobe Digital Edition (ADE) puis l’installer sur son terminal fixe ou mobile. Il doit ensuite se créer un compte associé avec un identifiant et un mot de passe différent de celui qu’il utilise pour se connecter à son compte lecteur sur le site de la bibliothèque. Quand le compte est créé, il faut ensuite s’identifier dans ADE pour pouvoir être autorisé à lire le livre numérique et le transférer sur son appareil de lecture. Il arrive fréquemment que les usagers des bibliothèques n’arrivent pas à franchir toutes ces étapes complexes.
Les bibliothécaires se retrouvent à assurer le Service Après-Vente d’Adobe et à expliquer comment accéder au contenu. C’est autant de temps perdu par les professionnels des bibliothèques, pour effectuer un travail de médiation, centré non sur les modalités d’accès, mais sur les contenus. Numilog en son temps avait réalisé un tutoriel (ou plutôt un pensum) de 14 pages pour expliquer aux usagers comment accéder au contenu de l’offre en e-books des bibliothèques; pareillement, le mode d’emploi de PNB mis en ligne par le Réseau des bibliothèques d’Aulnay-sous-Bois ne comporte pas moins d’une vingtaine de pages : avec PNB, adieu la simplicité d’accès aux contenus. Dans leur plaidoyer pro-PNB, certains bibliothécaires arguent que les DRM sont l’occasion de dialoguer avec nos usagers. Nous avons une plus haute idée des enjeux de la médiation numérique en bibliothèque…
L’argument du « temps gagné pour la médiation » suppose aussi que les bibliothèques participantes remplacent progressivement leurs acquisitions de nouveautés imprimées par des e-books acquis via PNB, sans quoi elles ne dégageraient aucun temps pour la médiation. Dans notre étude publiée en décembre dernier, nous avons précisément examiné l’hypothèse d’une substitution progressive des acquisitions papier par de l’électronique. Même si, selon les expérimentateurs, « les budgets sont maîtrisés » aujourd’hui, à cause du modèle inhérent à PNB de la vente au titre, il apparaît que l’acquisition de nouveautés via PNB n’est pas soutenable à moyen terme.
Une bibliothèque implantée dans une ville de plus de 100 000 habitants devrait débourser plus de 490 000€ par an pour acquérir sous forme électronique l’équivalent des nouveautés papier acquises sur la même période. On mesure les difficultés financières à venir quand on sait que, en 2012, les bibliothèques desservant des agglomérations de taille comparable ont dépensé en moyenne 33 325€ pour l’acquisition de ressources numériques. Dans nos projections, nous n’avons même pas pris en compte la date de péremption des titres et l’obligation de rachat par les collectivités. A fortiori, le tableau serait encore plus sombre pour les villes dont la population est inférieure à 100 000 habitants. Pour mémoire les budgets actuels des ressources numériques achetées par les villes de 20 à 40 000 habitants représentent seulement 2,24% du montant de l’offre proposée par PNB fin 2014. Cela représente 220 titres à condition que les prix restent ceux de l’imprimé, ce qui n’est pas le cas pour les nouveautés dont le prix est souvent triplé…
Même si les budgets augmentent, peut-on construire des politiques documentaires sur d’aussi petites collections? Les acquisitions se limiteront-elles aux nouveautés? Est-ce là à l’avenir ce que pourront acquérir les bibliothèques alors même que l’intégralité de la production éditoriale sera disponible hors-bibliothèques en numérique pour le grand public? Nous aurons nécessairement besoin d’offres très larges à l’avenir.
Nous allons tout droit avec PNB vers une transition inabordable dans les conditions actuelles. Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur le prix du dispositif. Le Réseau CAREL, auquel participent la plupart des bibliothèques engagées dans l’expérimentation de PNB, notait dans un document rendu public en février dernier :
Il apparaît dès lors que la bibliothèque lorsqu’elle achète un titre numérique paie jusqu’à 3,89 fois plus cher que pour le titre papier correspondant.
Il est vrai que, question endettement des collectivités locales, on n’en est plus à une ardoise près… Les élus locaux et les chambres régionales des comptes apprécieront… La question que nous posons s’adresse avant tout aux pouvoirs publics : est-ce au secteur public de financer la transition numérique du secteur de l’édition?
Même en supposant que la transition du papier vers le numérique puisse s’effectuer avec PNB en douceur pour les budgets des collectivités locales, comment, avec un tel modèle économique, peut-on estimer une seule seconde satisfaire les publics ? Il faudrait multiplier au moins par 10 le budget consacré aux ressources numériques. Même en considérant qu’il faut réduire le chiffre du budget des imprimés en diminuant le nombre d’exemplaires, le compte n’y est pas et ne risque pas d’y être. Si l’offre d’ouvrages est disponible en numérique, en quoi les besoins documentaires identifiés sur un territoire seraient-ils fondamentalement différents d’un support à l’autre ? Pour l’heure, on ne constate pas l’existence d’une politique documentaire formalisée et convaincante pour le livre numérique.
2. « Les difficultés rencontrées avec les DRM sont 
essentiellement limitées à la première utilisation du service de prêt numérique ». Sans doute, mais avec quelles incidences pour les usagers?
Dans l’article publié dans la revue Lettres Numériques, les bibliothécaires expliquent que, pour aussi déroutantes que soient les nombreuses étapes requises avant d’accéder au contenu, elles ne le sont que lors de la première utilisation du service. Certes, une fois que le compte ADE est créé et que l’usager a enfin obtenu une autorisation pour consulter l’e-book depuis son terminal fixe ou mobile, il n’est plus nécessaire de repasser fastidieusement par toutes les étapes… Mais encore faut-il que l’usager ait envie de revenir.
PNB complique grandement l’accès des usagers des bibliothèques au contenu des livres numériques, alors même que la facilité d’accès aux contenus numérique représente un enjeu fondamental, à telle enseigne qu’elle figure parmi les 12 recommandations signées par une grande partie des associations professionnelles et par le Ministère de la Culture et de la Communication.
Il nous semble que c’est une erreur fondamentale de minimiser les obstacles techniques inhérents aux systèmes de prêt numérique. Une étude citée par l’Enssib portant sur les bibliothèques aux Etats-Unis, où Overdrive domine le marché, montre que les bibliothécaires sont 71% à trouver que la facilité d’utilisation n’est pas au rendez-vous, 59% à trouver que la technique est un frein, et 41% estiment que les DRM sont la source des problèmes.
Cette complexité explique le découragement de certains usagers. De ce fait, peut-être préféreront-ils se résigner à attendre le retour d’un exemplaire physique ou bien à se procurer le livre numérique par d’autres voies, certes parfois illégales mais infiniment plus simples. Faut-il rappeler que le piratage est fortement corrélé à l’apposition de DRM ? Faut-il rappeler qu’en France, plus de 130 éditeurs ont complètement abandonné les DRM? Intéressant en passant de constater que l’auteur de cette liste, Hervé Bienvaut, très actif sur Twitter pour défendre PNB, est le premier à critiquer la présence de DRM dans les offres commerciales pour les publics. Comment comprendre cette contradiction ?
Outre l’expérience des usagers, il faut prendre en compte les enjeux liés à la protection de leur vie privée. Techniquement les dispositifs de prêt numérique permettent des collectes de données qui permettent une véritable intrusion des fournisseurs de services dans la vie privée des lecteurs. Un article récent d’Andrew Proia A New Approach to Digital Reader Privacy; State Regulations and Their Protection of Digital Book Data paru en 2014 dans la revue juridique Indian Law Journal précise ce point :
Actuellement, les fournisseurs de services et de dispositifs de lecture numérique ont la possibilité de stocker les données sur les habitudes de lecture des utilisateurs avec des détails précis, sachant non seulement ce que le lecteur a acheté comme livres, mais aussi quels livres il a parcouru, quelles pages il a visualisées, et même le temps qu’il a consacré sur tel ou tel passage du livre. Cela peut être réellement inquiétant dans la mesure où ces données pourraient permettre à des tiers d’en faire un usage nuisible aux libertés individuelles.
L’an dernier, Adobe a d’ailleurs fait l’objet d’une polémique liée à son logiciel Adobe Digital Edition. Il a été démontré qu’Adobe mettait en oeuvre la même politique de violation de la vie privée qu’Amazon ou Google. En effet, à travers ADE, Adobe sait très précisément quels livres ont été lus et si le lecteur les terminés ou abandonnés en cours de route. En outre, au moment où le scandale a éclaté, on s’est aperçu que ces données transitaient en clair, donc sans être chiffrées, sur les serveurs d’Adobe. Si ce défaut a été corrigé, la surveillance est toujours de mise. Il est alors légitime de se demander si les bibliothèques qui participent à PNB (mais aussi à tous les autres services qui nécessitent ADE) ne jouent pas le rôle d’auxiliaires d’une firme qui s’est notamment spécialisée dans la surveillance des données des utilisateurs. La présidente de l’American Library Association avait eu ces mots définitifs à propos d’Adobe: « Les gens attendent et méritent que leurs activités de lecture restent privées et que les bibliothèques conservent la confidentialité des dossiers de leurs usagers ».
Les bibliothèques doivent impérativement être garantes de la vie privée des utilisateurs de leurs services !
3. Le « prêt numérique » bardé de DRM serait la seule alternative au don : faux
Qualifier comme dans l’article de Lettres Numériques, le prêt numérique assorti de DRM comme seule alternative au don, c’est postuler une fausse analogie entre le prêt d’ouvrages physiques et la mise à disposition d’ouvrages numériques. Dans l’univers numérique, il est possible de mettre à disposition des ouvrages numériques sans que cela s’apparente à « donner » des fichiers ou à « prêter » des fichiers chronodégradables. Nous avons même listé certains modèles alternatifs.
En tout état de cause, nous considérons qu’il est nécessaire de donner une base légale aux usages collectifs effectués dans les bibliothèques de manière à leur permettre d’exercer leurs missions dans des conditions juridiques sécurisées.
4. « Le système marche au Québec et en Belgique » : vrai
pour le Québec, mais avec quelle offre, à quel prix et jusqu’à quand ?
Alexandre Lemaire évoque sur Twitter, à propos des bibliothèques belges francophones, un montant global d’acquisition de 70 000€ pour un territoire de 4,5 millions d’habitants… En creusant, nous constatons qu’il y a 3,7 millions de personnes desservies et que 445 000 usagers sont des usagers inscrits des bibliothèques. Les 1 200 usagers annoncés après 7 mois d’utilisation ne représentent donc que 0.27% de la population des usagers des bibliothèques… Il nous semble essentiel de communiquer sur des chiffres qui ne sont pas sortis de leur contexte.
« Il n’est pas exact de considérer qu’il s’agit d’un frein important car au Québec par exemple, comme le précise BiblioPresto qui a mis en place le projet, ils ont réussi à construire un service très apprécié, utilisé par plus de 250 000 lecteurs dans près de 1000 bibliothèques«
Commençons par relever une jolie incohérence : les rédacteurs de l’article mentionnent près de 1000 bibliothèques, mais plus loin il n’en reste plus que 130. Après vérification, d’après pretnumerique.ca, c’est bien le chiffre de 130 qu’il faut retenir. L’article de Lettres Numériques explique que le projet pretnumérique.ca (équivalent de PNB au Québec) est un véritable succès et s’appuie sur des chiffres pour témoigner de la réalité de cette tendance. Près de 225 000 lecteurs utilisent ce service dans près de 130 bibliothèques sur 811 bibliothèques au total soit 16% des bibliothèques et non 90% comme annoncé dans cet article de Lettres Numériques .
Il nous semble toujours important de vérifier les chiffres donnés par des entités qui sont parties prenantes des projets. Comme aucune donnée brute n’est disponible sur la plate-forme québécoise www.données.gouv.qc.ca ni sur la plate-forme française data.gouv.fr, alors même que des politiques actives d’ouverture des données sont promues au Québec comme en France, il est impossible d’exercer un contrôle citoyen en dépit des promesses dont sont porteuses les politiques d’open governmentship. L’appel de l’ABF pour la mise en place d’une étude indépendante prend donc tout son sens.
Nous avons fait nos propres calculs à partir de la liste des 80 bibliothèques présentes sur le site pretnumerique.ca. (Il en manque une bonne cinquantaine que nous ne pouvons comptabiliser faute de données). Ainsi donc, les bibliothèques québécoises proposent une offre de prêt numérique à 6 millions de personnes (chiffre du recensement en 2011 du Québec). Le taux moyen d’usagers inscrits en bibliothèque au Québec, susceptibles d’accéder au service de prêt de livres électroniques, est de 31,2 %. Le résultat est que les 225 000 lecteurs annoncés représentent 12,03% de la population des usagers desservis… Il faut reconnaître que ce chiffre n’est pas mauvais au regard du nombre d’usagers des bibliothèques, même s’il est ici surévalué puisque la liste publiée sur le site n’est pas complète. Selon nous, ces chiffres ne valident en rien le modèle ni du paiement à l’acte, ni des DRM. Se prive t-on de critiquer ce qui semble marcher? Qui nous dit qu’un système plus respectueux des droits des lecteurs ne marcherait pas 100 fois mieux ? Tout au plus, ils semblent indiquer qu’il y a un besoin spécifique et propre au Québec d’accéder à des e-books édités par des éditeurs locaux. Il sera intéressant de voir si les bibliothèques pourront suivre le rythme des acquisitions dans les années qui viennent, puisque J-F Cusson lui-même, le directeur de Bibliopresto, évoque dans cette étude une perspective dans laquelle les bibliothèques québécoises vont multiplier par 4 la part de leur budget dédiée aux e-books (de 5% de leur budget vers 20%) d’ici 5 ans.
Combien de bibliothèques pourront-elles suivre financièrement ? Au détriment de quels services ou de quelles collections imprimées se fera cette transition? Et les bibliothèques québécoises sont-elles sûres de conserver la maîtrise des coûts ?
Cet article paru dans la revue Actualitté pointe bien les risques de dérive éperdue des coûts d’acquisition :
Pas un mot, en revanche, sur les difficultés qui peuvent se poser, et que l’on remarque pourtant avec nervosité dans le reste du Canada. Dans l’Ontario, comme ailleurs, les personnels ont pris l’habitude d’informer les usagers des prix que pratiquent les éditeurs, pour l’achat d’ebooks.
« Les gens sont assez choqués lorsqu’ils réalisent combien payent les bibliothèques pour des ebooks », notait Roxanne Toth-Rissanen, directrice des bibliothèques publiques de Sault Ste. Marie. Le système de licences ne prévoit par ailleurs aucun contrôle sur les conditions contractuelles : un éditeur pourra librement faire bondir les prix — Hachette a essayé, c’est passé — ou réduire le nombre de prêts possibles, à sa guise. Ce modèle plutôt délétère vis-à-vis d’une politique patrimoniale ou d’une politique de lecture publique est pourtant en vigueur pratiquement partout, France en tête, avec le système Prêt Numérique en Bibliothèque, PNB, géré par Dilicom.
Mais Prêt numérique est en liesse et l’heure est au champagne : « Il s’agit sans l’ombre d’un doute de l’expérience de prêt numérique en bibliothèque la plus aboutie et la plus populaire de l’ensemble de la francophonie. Voilà de quoi être fiers », annonce-t-on. C’est PNB qui va apprécier. »
Jean-François Cusson, directeur de Bibliopresto qui met en oeuvre Pretnumerique.ca, indique dans cette étude discuter avec les éditeurs pour qu’à terme, les bibliothèques ajoutent un bouton d’achat des livres sur leurs sites; elles gagneraient ainsi 5% des revenus générés. La boucle est bouclée. Comme l’écrit à juste titre Nicolas Gary, rédacteur en chef de la revue Actualitté à propos de ce système déjà expérimenté aux Etats-Unis :
Se servir des lieux publics que sont les bibliothèques pour vendre des livres n’a rien d’anodin. Le concept qui fait d’une bibliothèque une forme dérivée de librairie est contraire à toute notion de service public, et tendrait, chose épatante aux États-Unis, à mettre au service de sociétés privées, un lieu financé par les deniers publics.
Nous rejoignons cette analyse et nous tenons à alerter sur ce type de dérive qui, lorsque PNB sera généralisé, pourrait bien constituer une tentation, au moment où les établissements publics ne pourront plus financer les acquisitions de livres. Nous avons quelques doutes sur la volonté des élus et des professionnels français de valider un tel système.
Enfin, il faut tenir compte du retour d’expérience des bibliothécaires aux Etats-Unis, qui, avec Overdrive, bénéficient d’une expérience du prêt numérique sur une plus longue durée que les pays francophones. Comme le montre cet article publié sur le site de l’Enssib, les bibliothécaires comme les utilisateurs sont loin de plébisciter le modèle PNB. Dans l’étude pré-citée à notre point 2, nous constatons que 72% pointent la difficulté à trouver des titres disponibles comme un des obstacles principaux à l’usage de ces services de prêt… Quelle est alors leur réaction ?
Les bibliothécaires, conscients des restrictions qu’imposent leurs services de prêt numérique ont eu le temps d’affiner une vision de l’offre idéale qui serait accessible rapidement, simplement et en abondance ainsi que le résume le slogan « fast, easy, plentiful ». En miroir, les emprunteurs et utilisateurs du service, attendent eux du service une offre caractérisée par l’actualisation et l’abondance (là-aussi) des titres disponibles, sans limitation d’accès ou de formats avec davantage d’offres de type découverte en mode streaming par exemple : » increased availability, unlimited access, access to all formats, and a more streamlined discovery and check-out process. »
5. « Les achats groupés permettent de réduire les coûts » :
vrai… Mais cette hypothèse n’est pas envisagée en France
Il faut reconnaître un mérite à la démarche engagée par la communauté française de Belgique : contrairement à la France qui prévoit des acquisitions d’ebooks au titre à titre, les Belges ont opté pour des achats groupés. C’est une approche judicieuse qui aurait pu changer la donne si elle avait été prévue initialement en France.
Rappelons que le contexte juridique et budgétaire encourage les mutualisations, c’est le cas par exemple pour les hôpitaux avec le soutien de l’Etat. En France la procédure de groupement de commande existe dans le code des marchés publics et pourrait permettre de véritablement négocier et de peser. Quel est le pouvoir réel de négociation d’une association comme CAREL censée « négocier » avec des éditeurs si la négociation se fait en dehors de toutes procédures d’achats publics ? On est tenté de penser que malgré la bonne volonté des membres de cette association, il sont structurellement en situation de faiblesse.
Là encore nous questionnons les choix qui ont pour conséquence que chaque collectivité va acheter plus cher (jusqu’à 3 fois plus cher) en format numérique des titres qu’elle a déjà sous forme imprimée. Cette situation est un non-sens du point de vue de la gestion de l’argent des contribuables.
6. « La demande des usagers va se développer » : certes,
mais cela améliorera-t-il mécaniquement l’efficience du service rendu ?
Le modèle de tarification de PNB suscite des questions quant à ses implications budgétaires pour les collectivités. Les bibliothèques sont des services publics et à ce titre leurs professionnels doivent être particulièrement vigilants sur l’efficience des projets, c’est-à-dire sur le rapport entre les ressources dépensées et les résultats obtenus. Dans le cas de PNB, l’efficience est catastrophique : les résultats (nombre de « prêts ») ne concernent qu’une partie très minime des usagers pour un coût très important. On pourrait rétorquer que le public va nécessairement s’étoffer numériquement et c’est probablement vrai, mais c’est oublier que plus les consultations augmentent, plus le coût de PNB augmente : quand le nombre de jetons est épuisé, il faut le renouveler. Seuls des modèles de vente ne prenant pas en compte l’usage à l’acte pourraient permettre d’améliorer l’efficience de la dépense publique ; le travail de médiation des bibliothécaires serait à même de conduire à une amélioration des résultats, sans que le coût augmente à proportion des usages.
C’est l’une des vertus des offres de bouquets : l’accès n’est pas conditionné aux usages. Il est alors envisageable d’effectuer une médiation autour d’une offre large de titres plutôt que sur du titre à titre, rendu provisoirement disponible via des achats à l’acte.
On arrive à ce joli paradoxe: avec PNB et tous les modèles de prêt numérique similaires où le nombre de prêts associé à chaque titre est limité dans le temps, plus la médiation est efficace et moins les livres numériques sont disponibles. Et ce même dans le cas où le service de prêt numérique permet plusieurs accès simultanés à un même titre : plus il y a d’accès simultanés, plus les jetons s’épuisent, et plus des rachats de jetons sont nécessaires.
La création artificielle de rareté (ce qu’on appelle des enclosures) par des moyens techniques est nuisible à la diffusion des idées, mission première des bibliothèques. Osons une comparaison avec l’eau potable. L’eau du robinet semble gratuite, alors qu’elle est financée en amont, à un tarif bien moins cher que l’eau en bouteille (lorsqu’elle est en régie municipale). Cela n’empêche pas pour autant les ventes d’eau en bouteille de se développer alors même que chacun a accès à l’eau potable. Le financement est mutualisé, mais la vente à l’acte existe et vient en complément. Si les bibliothèques, au lieu d’acheter chacune des palettes de bouteilles d’eau mutualisaient leur forces pour financer un système de distribution, cela n’empêcherait en rien le développement parallèle d’un marché de vente à l’acte. Ce qui est en train de se passer est l’inverse : de grands acteurs mettent en place des systèmes de distribution privés et le service public achète cher de l’eau en bouteille qui se périme très vite…
7. « L’offre de livres numériques permet de fidéliser des 
usagers qui fuient les bibliothèques au profit de plates-formes en ligne »: l’offre des bibliothèques ne se cantonne pas à ce seul service
Bien qu’imparfait, PNB, nous dit-on, serait nécessaire pour les bibliothèques car le service permet de proposer une offre de livres numériques et d’éviter ainsi que les usagers fuient les bibliothèques au profit d’Amazon ou de Google. Du coup, pour conjurer la fuite des usagers vers des services commerciaux, les bibliothèques devraient se résigner à accepter de mettre à disposition de leurs usagers, un modèle de service qui leur est imposé. Mais si les individus se tournent vers Amazon et consorts, c’est aussi parce que l’écosystème de ces firmes – forme de prison dorée – fournit, qu’on s’en désole ou pas, une meilleure expérience d’utilisation, de nature à donner envie aux individus de continuer à utiliser ces services de fourniture de livres numériques. La synchronisation de la lecture sur différents appareils est une fonctionnalité bien réelle, la lecture hors ligne aussi. Dans un contexte croissant de lecture et de navigation multi-écrans, cette possibilité devient un critère de choix pour les individus.
En outre, cet argument concurrentiel cantonne les bibliothèques à un seul type de service : proposer des livres numériques. Cette vision est profondément réductrice et occulte les autres missions de la bibliothèque développées notamment à travers les notions de médiation et de tiers-lieux.
8. « Le système va s’améliorer et l’offre se diversifier » :
peut-être mais c’est le principe même du modèle de licence contractuelle qui est à revoir
Même si PNB s’améliore techniquement et même si les éditeurs ajoutent progressivement des nouveautés figurant à leur catalogue, le modèle contractuel sur lequel il est construit constitue un piège mortel pour les bibliothèques publiques.
- Quel est le sens d’une transition numérique qui donne moins de droits d’accès et de droits de réutilisation aux usagers que pour les documents physiques?
- Quel est le sens d’une transition numérique dans laquelle il faut négocier pour que des bibliothèques puissent proposer l’impression de pages de livres à leurs lecteurs?
- Quel est le sens d’une transition numérique qui conduit à ce qu’il faille mendier pour obtenir le droit de copier coller un passage pour le citer, alors que l’exception de citation est un droit consacré par le Code de la Propriété Intellectuelle ?
- Quel est le sens d’une offre qui propose aux lecteurs des bibliothèques des contraintes qu’ils n’imposent même pas à leurs clients hors-bibliothèques? Certains éditeurs qui vendent sans DRM pour le grand public remettent des DRM pour les bibliothèques !
Il nous semble que la voie empruntée par PNB va dans le sens d’un amoindrissement inacceptable des droits des lecteurs. Il nous semble que c’est l’ensemble du modèle qu’il faut revoir et que les négociations actuelles ne conduisent qu’à grignoter des miettes, là où d’autres modèles parfaitement viables existent.
A tous les points de vue, PNB représente une régression par rapport aux garanties apportées par la licence légale instaurée par la loi de 2003 sur le droit de prêt en bibliothèque. Ce dispositif présentait au moins trois avantages majeurs :
- Les bibliothèques se voyaient reconnaître le droit d’acheter et de proposer en prêt n’importe quel livre publié sur le marché, sans que les titulaires de droits ne puissent s’y opposer ;
- Le prix payé comportait une part pour la rémunération des auteurs des éditeurs, mais il était strictement encadré par la loi, ce qui interdisait les brusques augmentations décidées unilatéralement par les éditeurs ;
- Le prix était payé une seule fois pour l’achat de l’exemplaire et détaché ensuite du nombres d’utilisation effectives, ce qui permettait à la bibliothèque de continuer à produire des externalités positives dans le champ culturel.
Le passage d’un modèle de licence légale à un modèle contractuel fait voler en éclats ces garanties fondamentales. Et ne nous y trompons pas : un des buts visés par PNB est de s’attaquer au cœur de l’ADN légal des bibliothèques.
Code Is Law : les solutions techniques déployées font loi dans l’environnement numérique et dans l’état actuel des choses, la seule loi de PNB est la loi du plus fort. Que des professionnels des bibliothèques puissent perdre de vue ces enjeux politiques majeurs constitue un réel problème.
Les bibliothécaires ont-ils la mémoire si courte qu’ils en oublient la tragédie subie par les bibliothèques universitaires, impactées de plein fouet par la transition numérique dans leurs missions et leurs budgets pour avoir été soumises à un système de licences imposées par les éditeurs sans protection de la loi ?
Les bibliothécaires français ont-ils la mémoire si courte qu’ils en oublient les leçons de l’exemple américain, où dès que les usages ont décollé, les éditeurs ont réagi défensivement en augmentant brutalement les prix d’une année sur l’autre ou en retirant des pans entiers de collections de leurs offres ?
Absolument rien ne garantit avec PNB que nous ne subirons pas les mêmes déboires, que seule une extension de la licence légale prévue dans la loi de 2003 pourrait prévenir.
Chaque bibliothèque qui adhère à PNB nous éloigne pourtant d’une telle intervention du législateur et c’est d’ailleurs un des buts réels visés par le déploiement à marche forcée de ce système, sachant que la question du livre numérique en bibliothèque est aussi débattue en ce moment au niveau européen.
Ajoutons aussi que le système PNB constitue une perte importante pour les auteurs eux-mêmes par rapport à celui de la licence légale. En effet, les sommes payées par l’Etat et les collectivités au titre de la rémunération du droit de prêt étaient réparties à 50/50 entre les auteurs et les éditeurs, via la gestion collective dévolue à la SOFIA. Une partie était aussi consacrée au financement de la retraite des auteurs.
Avec PNB, le taux de rémunération des auteurs est assis sur celui figurant dans les contrats d’édition, soit 10% en moyenne. Il y a donc une perte de 40% pour eux, au bénéfice des éditeurs, sans aucune justification, et une mise en péril à long terme de la pérennité du financement de leur retraite.
9. « Il faut expérimenter et être pragmatique » : vrai, mais 
l’expérimentation doit être évaluée en toute transparence et doit constituer le premier jalon d’une politique culturelle enfin tournée vers l’intérêt général
Non seulement, comme l’a montré l’ABF dans sa déclaration récente, le modèle PNB est imposé sans souplesse ni solution alternative, mais le double langage associé à une certaine forme d’inertie de l’association CAREL ne laisse pas de surprendre. Celle-ci ne déclarait-elle pas en juin dernier que le modèle était « prometteur » mais perfectible alors que dans le même temps elle dénonçait les prix pratiqués et le fait que même la possibilité d’accès aux livres non consultés finissait par s’effacer au-delà d’une certaine date de péremption? Quelques mois auparavant, la même association CAREL critiquait plus ouvertement PNB. Que s’est-il passé entre-temps ?
Nous pensons qu’il est urgent d’avoir un discours clair. Tous les exemples montrent que ce ne sont que des mobilisations visibles et déterminées qui ont apporté des résultats positifs pour les droits des usagers.
Il nous semble qu’il est temps pour les acteurs publics de prendre la mesure de la guerre au partage et de l’ampleur du second mouvement des enclosures. Pourquoi ne pas refuser collectivement des conditions défavorables plutôt que d’avoir pour seule ambition de négocier des droits de prêt au rabais ? Au Canada, récemment, des bibliothèques ont collectivement dénoncé les prix pratiqués; aux USA même combat, au Québec, pour l’heure, on sabre le champagne pour se féliciter de la mise en place du prêt numérique; pour combien de temps ?
Valider collectivement des conditions inacceptables puis généraliser le système sans véritable évaluation constitue de notre point de vue une erreur stratégique. C’est l’inverse d’une démarche de construction d’une politique publique raisonnée et raisonnable.
Nous soutenons l’ABF pour la mise en oeuvre d’une étude indépendante, qui devra évaluer le système au regard de l’état de l’art de l’évaluation des politiques de la lecture publique et mentionner clairement, par exemple, le nombre d’usagers actifs par rapport à la population desservie ou au coût par titre, dans le respect des normes ISO officielles sur l’évaluation des performances des bibliothèques.
Des acteurs de taille développent pour le grand public des modèles où aucun paiement à l’acte n’est prévu ni aucune expiration de l’accès aux titres… Les modèles d’acquisition par bouquets font tellement peur aux éditeurs qu’il préfèrent imposer des conditions drastiques aux bibliothèques. On peut dire que les politiques publiques de la lecture sont les victimes collatérales d’une transition numérique, au lieu que l’intérêt général soit pris en compte. En France, l’État refuse de s’impliquer et souhaite privilégier la voie contractuelle pour les bibliothèques. Le même Etat est pourtant très interventionniste lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts de la filière commerciale du livre.
Pas moins de 7 associations appartenant à l’Interassociation Archives bibliothèques et documentation ont récemment soutenu notre proposition d’une loi sur le droit de prêt numérique apportant des garanties à tous les acteurs.
Les auteurs se sont exprimés via la SGDL et cet article de Livres Hebdo rapporte leur insatisfaction :
Après avoir évoqué la variété des usages possibles du prêt numérique en bibliothèque, depuis la forme « un achat = un prêt », juqu’à l’autre extrême, « un achat = une utilisation sans limitation des contenus », la plupart des intervenants se sont accordés sur l’obligation de réfléchir à d’autres systèmes que ceux testés actuellement. Mais les discussions se sont rapidement focalisées sur la nécessité d’intégrer de façon efficace les auteurs au débat.
Là encore nous mettons en garde contre une logique de titre à titre qui pourrait amener à négocier des rémunérations pour les auteurs en fonction du nombre de « prêt numériques ». Cela nous semble une voie très dangereuse qui ne pourra pas être soutenable budgétairement pour le service public. La loi de 2003 sur le droit de prêt en bibliothèque repose non pas sur une rémunération au nombre de prêt mais sur le nombre d’exemplaires achetés, ce qui est bien plus raisonnable dans l’univers imprimé. Pour le numérique, comme ce nombre d’exemplaire n’a pas de sens sauf à imposer des DRM que nous dénonçons, nous appelons les pouvoirs publics et les associations à négocier sur d’autres bases. Ce débat doit avoir lieu.
En tant que citoyens, nous appelons l’Etat via le Ministère de la Culture à s’impliquer au service d’une politique culturelle tournée vers l’intérêt général.
10. SavoirsCom1 = un repère de « saboteurs »? Faux, on est
taquins… 😉
A en croire les rédacteurs de l’article de Lettres Numériques, à en croire également le consultant Laurent Soual, auteur d’une tribune parue dans le Bulletin des Bibliothèques de France, le hashtag humoristique #chasseauxjetons s’apparenterait à du « sabotage »! Notre intention était juste de mettre la Ville de Paris face à ses contradictions… Une « blague potache » comme le dit M. Soual. Manifestement, les dangereux « saboteurs » ont commis là un crime aussi grave que celui de faire dérailler un train ! Qu’il ne soit plus possible d’employer le ton de la dérision en dit long sur une tendance croissante à l’auto-censure contrainte, au sein d’une profession pourtant attachée théoriquement à la liberté de critique et d’expression, mais qui répugne trop souvent à appliquer ces principes au débat sur ses propres missions.
Nous regrettons le ton parfois employé par certains interlocuteurs dans les discussions et plus largement nous regrettons les attaques personnelles subies par certains d’entre nous sur les réseaux sociaux. Une attitude plus constructive est possible : le modèle PNB doit être considérablement révisé, et il est temps de se tourner vers le Ministère de la Culture afin de proposer à tous les acteurs la co-construction d’un modèle enfin viable.
Au lieu de cela, nous constatons que des bibliothécaires qui ont expérimenté PNB au sein de leur structure, font l’objet d’attaques particulièrement virulentes lorsqu’ils souhaitent faire part via Twitter du moindre avis personnel un tant soit peu dubitatif à propos du service ou du modèle économique de PNB. Nous le regrettons et appelons à des débats raisonnés sur ces questions, ainsi qu’à une véritable évaluation indépendante de PNB. Nous appelons à la mise en œuvre d’une politique publique ambitieuse et non à la reddition sans coup férir aux desiderata du Syndicat National de l’Edition.
Nous condamnons enfin les pressions hiérarchiques exercées sur certains fonctionnaires qui, à en croire les élus de la Ville de Paris, auraient commis le crime impardonnable de relayer sur les réseaux sociaux la récente déclaration publique de l’ABF, qui, rappelons-le, se présente elle-même comme « la plus ancienne association de bibliothécaires en France et la seule à regrouper des professionnels de tous types d’établissements quels que soient leur grade ou leur fonction ». Par suite de ces pressions, nous avons effacé de notre site la mention de certains noms des membres de notre collectif, afin de les protéger et de leur permettre de pouvoir continuer à s’exprimer librement.
Nous espérons que le climat général des discussions prendra une tournure plus apaisée et nous en appelons à un débat public sur ces questions.
Il y a 1057 bibliothèques publiques au Québec. De ce nombre, 948 offrent le service de prêt numérique à travers la plateforme PRETNUMERIQUE.CA (1011, si on compte les bibliothèques du Nouveau-Brunswick, province voisine qui utilise aussi la plateforme). Ces 948 bibliothèques appartiennent à 130 organisations ou réseaux de bibliothèques. Il aurait été facile de confirmer ces données en communiquant avec nous.
La page d’accueil de PRETNUMERIQUE.CA propose une liste des bibliothèques ayant coché une case « Afficher sur la page publique » dans leur compte administrateur. Certaines bibliothèques, pour des raisons qui leur appartiennent, ont choisi de ne pas apparaître sur cette liste. De la même façon, certaines bibliothèques rendent leur collection visible en mode déconnecté, et d’autres non. C’est leur choix.
Nous avons déjà discuté de la possibilité d’intégrer un bouton d’achat dans les catalogues, c’est vrai. Il s’agissait là d’une demande des éditeurs, et nous l’avons examiné. Et nous en avons discuté avec nos membres, les bibliothèques, mais aussi avec nos partenaires, les libraires, et différents acteurs du milieu du livre, de façon ouverte. Mais nous n’avons pas été de l’avant. Pourquoi nous reproche-t-on d’y avoir réfléchi et d’avoir engagé un dialogue ?
Nos coordonnées sont publiques, et facilement accessibles ici : http://bibliopresto.ca/nousjoindre.php Mais j’imagine que votre propos est mieux servi en rapportant des « incohérences » qu’en tentant d’en savoir plus en nous contactant.
Merci pour ces précisions. Nous aurions aimé comme nous le précisons dans l’article que ces données soient publiques et transparentes. Après tout il s’agit d’argent public et donc cela pourrait tout à fait entrer dans une logique de données ouvertes… ce qui nous aurait fait gagner du temps, à vous comme à nous.
Pour le bouton d’achat, pas de méprise on ne reproche à personne d’expérimenter, on critique simplement les logiques à l’oeuvre dans ces expérimentations. En l’occurrence, ces pratiques de bouton d’achats sont avérées ailleurs qu’au Québec, et elle sont éminemment critiquables à notre sens.
Je me permets de relever trois exemples (parmi bien d’autres) de contre-vérités dont votre texte est parsemé :
1/ pour la soi-disant idée reçue n°3, vous nous prêtez, aux bibliothécaires expérimentateurs de PNB, dans l’article de Lettres numériques que nous aurions présenté le prêt numérique comme seule alternative au don. C’est à nouveau une déformation de nos propos, nous avons juste écrit que « Les DRM (…) ont pour seule fonction de gérer la chronodégradabilité des fichiers téléchargés par les usagers lors de leurs emprunts (sinon il ne s’agirait pas d’un emprunt mais d’un don !) ». Où dans cette phrase présentons-nous « le prêt numérique assorti de DRM comme seule alternative au don » ?!
2/ pour la prétendue idée reçue n°4, vous me prêtez d’avoir précisé « sur Twitter, à propos des bibliothèques belges francophones, un montant global d’acquisition de 70 000€ pour un territoire de 4,5 millions d’habitants… et vous ajoutez « En creusant, nous constatons qu’il y a 3,7 millions de personnes desservies ». Alors, primo j’ai bien précisé dans un tweet complémentaire (que bizarrement vous avez omis de signaler) que ces 70.000 euros sont une dépense pour les titres et l’infrastructure et que le budget titres était de seulement 35 000 euros : https://twitter.com/lemaire_alex/status/654904542065205248
Secundo, le chiffre du nombre d’habitants que j’annonce de mémoire sur Twitter est celui du territoire francophone de Belgique à savoir les 3,6 millions d’habitants de Wallonie ET les 1 millions d’habitants francophones de Bruxelles, ce qui fait donc même un peu plus que ce que j’annonçais et est dans tous les cas très éloigné du chiffre que vous avez obtenu « en creusant » (faudrait voir à creuser aux bons endroits la prochaine fois !)…
Enfin, cela montre, comme pour le Québec, que lorsque vous citez des chiffres, vous êtes sans cesse « à côté de la plaque »…
3/ pour « l’idée reçue n°9 », vous prêtez à Réseau Carel d’avoir dit « en juin dernier que le modèle était « prometteur » mais perfectible alors que dans le même temps elle dénonçait les prix pratiqués ». Hormis une première erreur (pardonnable celle-là) du fait que cette communication a eu lieu en février (et non en juin), vous faites une seconde erreur dans la même phrase, Réseau Carel n’a en effet pas « dénoncé LES prix pratiqués », c’est une généralisation abusive de dire cela : le communiqué de Réseau Carel précise bien qu’il constate « des tarifs trop hétérogènes d’un éditeur à l’autre » et signale donc qu’il y a CERTAINS prix élevés. A nouveau vous prêtez à un autre que vous-même des propos que vous déformez dans le sens d’une exagération qui conforterait votre thèse…
En réponse à vos critiques :
1. Nous avons bien compris votre phrase : sans DRM chronodégradable ou sans DRM tout court, il s’agit pour vous de don c’est ce lien que nous considérons comme faux.
2. En effet, il y a un erreur de citation que nous vous remercions de corriger. Elle ne change pourtant rien à notre démonstration, et la renforce même puisque le budget est encore plus petit que celui que nous avions cité… Pour le chiffre du nombre d’habitants, en effet nous avons pris en compte la population des communes desservies par une bibliothèque fixe et non la population globale, considérant qu’on ne peut établir de résultats fiables que sur les chiffres d’une population desservie.
3. ok on vous l’accorde, mais là encore cela ne change rien au problème.
Taxé d’être en pleine contradiction par rapport aux DRM? Entre bibliothèque et librairie, il y a bien entendu la notion de prêt, différente de l’achat. Je comprend bien comme beaucoup d’usagers, je pense, que je ne peux pas disposer d’un fichier selon des conditions semblables à un achat en librairie. Autant je milite pour une interopérabilité totale dans le second cas, autant la règle du prêt me semble devoir perdurer en bibliothèque. Je n’ai pas encore vu de bibliothèques qui donnent des livres imprimés. En tant que lecteur j’accepte une chronodégradabilité du fichier sur une durée suffisante, inhérente au prêt. On ne se pose pas la question quand il s’agit d’un film en VOD, pourquoi un livre subirait un traitement différent? Je souhaite que nous ayons rapidement une solution de DRM plus facile à utiliser et moins intrusive que celle d’Adobe.
À la différence toutefois Hervé, que le fait de devoir rendre le livre côté imprimé est nécessaire pour pouvoir le prêter à nouveau. Devoir rendre le livre imprimé n’est pas l’objectif de la bibliothèque mais une contraintes. S’ils pouvaient faire sans, beaucoup le feraient probablement. Il n’y a pas vraiment lieu de reproduire les contraintes par principe de mimer le papier (et à ce titre je suis heureux qu’on ait fait apparaitre la possibilité du prêt simultané).
La bibliothèque de prêt est trop basée sur le principe même d’une ressource rare qu’on partage (dans le seule de « diviser » et de « mutualiser », pas dans le sens de « donner à / aider son prochain »). Ce principe disparait avec le numérique et forcément tout s’effondre.
On peut argumenter tout autour, mais à vouloir reproduire un modèle qui n’a pas lieu d’être, qu’on penche vers un côté (diffusion libre) ou de l’autre (DRM chronodégradable), on finira toujours pas une solution bancale.
Je trouve d’ailleurs intéressant de parler de VOD. On parle peu des DRM sur la VOD (mais on en parle, si si) mais pour l’instant les bibliothèques n’en font pas à ma connaissance. Nombreuses sont celles qui prêtes des CD, pourtant aucune à ma connaissance ne prête du MP3 alors que la musique se pense désormais essentiellement en numérique, le CD relevant désormais de l’exception et du cadeau.
Pourquoi parle-t-on du livre numérique en bibliothèque, est-ce que cela a même un sens s’il s’agit d’acheter des jetons de prêts ?
Je vais fâcher certains mais tout ça pose surtout la question du rôle de la bibliothèque et de la pertinence du numérique dans ce modèle.
Il y avait un sens du fait de la rareté de l’objet livre et de l’impossibilité physique d’accéder sinon à des centaines ou milliers de titres. Il y avait aussi un rôle de découverte, plus difficile quand « essayer » veut dire acheter un livre neuf et potentiellement ne pas accrocher. Il y avait aussi un rôle social, parce que même le classique libre de droit coûtait des euros.
Désormais la rareté est toute artificielle et chacun peut accéder d’un clic à des centaines de milliers de titres. La découverte est simple via les extraits et les critiques ou commentaires qu’on trouve à profusion sur les réseaux. Des milliers de classiques sont accessibles gratuitement et on trouve des dizaines de milliers de titres pour un prix plus faible qu’un petit poche. Je ne parle même pas des plateformes de streaming financées par la publicité.
Tout n’est pas parfait dans le meilleur des mondes – et je ne souhaite pas la disparition des bibliothèques – mais si le futur qu’on leur propose c’est d’acheter des jetons de licence pour ensuite les redistribuer aux abonnés qui financent les achats initiaux… autant laisser faire Kindle Unlimited, Youboox et autres entreprises privées de lecture illimité / streaming. Je ne vois juste pas ce qu’une bibliothèque publique vient faire là dedans.
Il serait inutile de critiquer des passages précis de votre texte, puisque de toute évidence, vous semblez prêt à déformer tout fait ou données au service de votre position idéologique, et au détriment de la logique élémentaire de l’argumentation. Toutefois, en tant que bibliothécaire québécois qui est impliqué depuis les débuts de PRETNUMERIQUE.CA et qui a touché à presque toutes les activités liées au prêt de documents numériques en bibliothèque – aide au développement de la plate-forme, rédaction de documentation, aide directe aux usagers, formation des employés et des gestionnaires, acquisition et gestion du budget numérique – je ne peux qu’être en accord avec monsieur Cusson (avec qui je collabore depuis plusieurs années) et avec les autres intervenants qui tentent ici de corriger les affirmations erronées que vous diffusez.
Retarder l’accès aux livres numériques en bibliothèque publique va plus loin que de ne pas répondre à une simple « demande » des usagers: c’est carrément irresponsable. Nous nous devons de permettre l’accès libre et gratuit pour tous au plus grand nombre de documents, entre autres pour ne pas creuser davantage la facture numérique qui désavantage déjà certains groupes et qui ne fait que se creuser. Vous me répondrez qu’il est aussi irresponsable d’adopter un modèle d’achat dicté part les éditeurs et non viable à long terme, mais la confusion manifeste dans votre article entre le contexte de l’Amérique anglo-saxonne et le Québec montre bien que vous n’avez pas saisi – ou fait l’effort de comprendre – les particularités du modèle québécois et des ententes conclues avec les éditeurs. Vous parlez de « l’amoindrissement inacceptable des droits des lecteurs » – mais si l’on attend la mise en fonction d’un « modèle alternatif », pendant combien de temps vos lecteurs seront-ils privés de documents numériques en prêt gratuit? N’est-ce pas là aussi un grave manquement aux droits des lecteurs? Et tandis qu’on parle de responsabilité, que dire de votre campagne « humoristique » #chasseauxjetons? Je présume que d’écrire le mot taquin et d’y apposer un smiley vous absout de toute faute professionnelle. C’était après tout pour voler au secours de la liberté de critique et d’expression que vous l’avez fait.
Je m’arrêterai avec une dernière remarque: le fait de ne pas trouver sur un site Web des données facilement accessibles et prêtes à votre emploi ne vous dispense en aucun cas d’effectuer un travail de recherche élémentaire avant de publier un billet. Par chance, le journalisme n’est pas fondé sur vos exigences et requiert encore des journalistes qu’ils contactent les personnes concernées pour se renseigner. Si toute la presse adoptait vos pratiques, on ne pourrait plus croire quelque publication que ce soit.
Nous avons répondu précisément aux remarques que vous faites sur le caractère supposé « urgent » de prendre ce qu’on nous donne et négocier des miettes ensuite. Nos critiques portent sur PNB en France essentiellement et par extension aux modèles générateurs d’enclosures. Les particularités locales du Québec ne changent rien à cette situation globale qui est un problème mondial. Encore une fois nous aurions aimé que vous vous saisissiez des critiques et arguments que nous formulons pour améliorer le système au lieu de vous sentir attaqué personnellement…
Nous n’avons enfin aucune leçon à recevoir sur la manière supposée « responsable » de poser des débats, que ça vous déplaise est une chose qui nous importe très peu au regard des enjeux et de l’efficacité de l’action..
Bonjour,
Bibliothécaire de formation, je me réjouis de voir des acteurs défendre l’intérêt des lecteurs et de leurs libertés. Je soutiens entièrement SavoirsCom1 et je les encourage à continuer ce militantisme constructif.
Le débat est trop important pour faire une stupide guerre de chiffres et en rester uniquement sur les quelques approximations (qui méritent corrections bien sûr) sans se pencher sur le fond du problème.
Les bibliothèques sont parfois effrayées par l’idée de rester « sur la touche » par d’autres acteurs qui peuvent désormais fournir autant, voire plus, de contenus qu’elles, et surtout plus accessibles. Elles oublient par là-même la mission initiale : accès à la culture, émancipation, citoyenneté, éducation permanente, etc. Le contenu n’est pas une fin en soi mais un moyen d’aboutir à des objectifs plus « nobles ».
Une bibliothèque doit offrir aux populations les moyens de comprendre le monde. À mon sens, les enjeux du numérique pour les bibliothèques ne sont plus autant dans la diffusion du contenu aisément accessibles ailleurs mais dans la formation, l’accompagnement, l’aide à la recherche, etc. Et surtout à la médiation autour des enjeux numériques (libertés, monopoles et diversité, critique des sources, etc.)
La majorité des bibliothécaires avec lesquels j’ai travaillés ne comprennent pas eux-mêmes tous les enjeux du numérique. Il suffit de voir le nombre de mes ex-collègues qui, pour le compte personnel, commandent, allègrement sur Amazon au détriment des idéaux qu’ils sont censé défendre. En tout premier lieu : s’opposer à toute forme de censure. Mais aussi à toute appropriation des données personnelles. C’est aussi là l’enjeu pour les bibliothèques : s’opposer à toute forme de domination culturelle.
Ce n’est pas multiplier des offres déjà accessibles ailleurs qui permettra une quelconque émancipation culturelle. Les bibliothèques s’inscrivent de plus en plus souvent dans une logique de perception des publics comme de consommateurs à contenter « pour qu’ils n’aille pas voir ailleurs sur d’autres plateformes ». Ce n’est évidemment absolument pas les missions initiales des bibliothèques.
Comme SavoirsCom1, je défends ardemment l’idée que les moyens mis en place ne valent absolument pas les résultats et ne profitent pas à la majorité de la population qui, faut-il le rappeler, est encore très éloignée de la lecture numérique en France et en Belgique (début 2014, 15% de la population française âgée de 15 ans et plus déclare avoir déjà lu, en partie ou en totalité, un livre numérique. Source : http://www.sne.fr/enjeux/numerique-2/#sne-h-214-des-lecteurs-reguliers.) Pourquoi mettre autant de moyens pour 15% de la population ? Ne pouvait-on pas attendre que le « marché » soit plus large, les pratiques plus répandues et plus matures, et étudier le système plus posément sans se laisser berner par des éditeurs peu scrupuleux qui se donne le loisir de modifier leurs conditions et leurs tarifs ?
Je m’oppose totalement au « Nous nous devons de permettre l’accès libre et gratuit pour tous au plus grand nombre de documents, entre autres pour ne pas creuser davantage la facture numérique qui désavantage déjà certains groupes et qui ne fait que se creuser. » Déjà la sélection et la qualité a toujours été primordiale sur la quantité. Mais surtout, offrir des livres électroniques en bibliothèque ne permet absolument pas de réduire la fracture numérique. La fracture, qui est bien réelle, est bien en amont : impossibilité d’accès aux supports qui permettent la lecture numérique (cause financière ou liée à une incompétence technologique). En quoi offrir de larges catalogues d’ebooks réduira-t-elle cette fracture numérique M. Bond ?
Le livre papier est toujours le plus démocratique puisque accessible par TOUS. Pas besoin de supports, de formations, de soucis quant à la pérennité des formats, etc.
Votre « […] pendant combien de temps vos lecteurs seront-ils privés de documents numériques en prêt gratuit ? N’est-ce pas là aussi un grave manquement aux droits des lecteurs ? » En quoi offrir des ebooks, lus par une minorité de la population, est-il plus « responsable » que de continuer à offrir des collections papier non amputées de leur budget par la course au numérique ? Comment oser parler de droits des lecteurs lorsqu’on laisse des intervenants privés s’octroyer les données personnelles de ceux-ci ?
Il me semble impératif que le secteur culturel public se recentre sur ses missions éducatives, sociales et pédagogiques. Que les bibliothécaires se souviennent de leur déontologie et se refusent à toute forme de censure, surtout à celle imposée par quelques éditeurs. Qu’ils prennent ENFIN position contre l’appropriation graduelle de la culture par les monopoles. Et qu’ils informent le public de ces enjeux au lieu de courir au plus gros catalogues gratuits qui en plus d’être onéreux ne reflètent pas les usages réels.
À l’époque de mon premier commentaire, je n’avais jamais entendu parler de SavoirsCom1 [sic] et j’ai pris la question au sérieux; maintenant, je prends tous vos textes et commentaires comme une forme d’humour, involontaire certes, mais tout de même délicieuse.
Madame Drasant, je ne sais même pas comment répondre à vos arguments qui narguent la logique. Je me bornerai à ne réagir qu’à un seul, sans doute le plus jouissif: « […] 15% de la population française âgée de 15 ans et plus déclare avoir déjà lu, en partie ou en totalité, un livre numérique. […] Pourquoi mettre autant de moyens pour 15% de la population ? » N’avez-vous pas perçu l’absurdité de cet argument? Si seulement 15% de la population a fait l’expérience du numérique, ne devrions-nous pas, en tant qu’experts du livre, travailler concrètement à familiariser la population à la lecture numérique? Vous affirmez vous-même que l’accès à l’information réside maintenant « dans la formation, l’accompagnement, l’aide à la recherche ». Où les citoyens doivent-ils aller chercher cette formation, si ce n’est à leur bibliothèque publique?
J’ai donné des dizaines de formations à des citoyens et à du personnel de bibliothèque. J’aborde évidemment les questions techniques, mais j’insiste aussi sur tous les enjeux sociaux et commerciaux liés aux monopoles, aux prix, au manque d’encadrement juridique. J’encourage les bibliothécaires et les citoyens à s’informer sur la question, à écrire à leur député, à faire des pressions sur les éditeurs. L’accès présent à des collections numériques n’empêche pas l’engagement et l’action politique; au contraire, l’usager qui se rend compte par expérience de la pauvreté de l’offre sera d’autant plus motivé à s’engager et à prendre ces questions au sérieux.
Mais nul doute qu’il est plus facile d’avoir des convictions ardentes comme les vôtres lorsqu’on n’a de contact avec la question que de façon intellectuelle.
«il est plus facile d’avoir des convictions ardentes comme les vôtres lorsqu’on n’a de contact avec la question que de façon intellectuelle.»
C’est une attaque ad-hominem bien inutile, car de nombreux membres de SavoirsCom1 sont bibliothécaires et/ou animent des formations du même type que vous depuis des années. Cumulé, ce sont des milliers d’heures au contact des publics et des professionnels. (Je ne suis pas moi-même bibliothécaire – par contre du point de vue formation aux technologies et animation d’évènements « sur le terrain », j’accumule des centaines d’heures auprès de, disons, surement bien au delà du millier de stagiaires, étudiants, participants. Ça compte ?)
À partir de quel critère ou niveau les membres du collectifs deviennent des vrai professionnels de terrains ? Quel est votre curseur pour distinguer les ‘intellectuels’ des vrais de vrais qui connaissent les réalités du terrain ?
À vous lire, il est probable que vous partagiez bien plus que vous ne le croyez avec de nombreux membres du collectif. Les attaques sur leur personnalité et leur professionnalisme semblent superflus et nuisent à la qualité de votre réponse.
Effectivement, il est navrant d’arriver si rapidement à des arguments ad hominem, d’autant sournois que nous sommes entre collègues !
Pour votre information, je parle d’expérience. Pour avoir travaillé dans des milieux très différents, et notamment dans des quartiers particulièrement défavorisés, pour avoir organisé des formations numériques, pour avoir constaté par moi-même l’étendue de la fracture numérique, je répète que l’enjeu principal n’est pas là où vous le pensez. Les catalogues de livres électroniques ne serviront en RIEN à réduire la fracture et à pallier les difficultés que certaines personnes rencontrent pour accéder à l’information.
De plus, cet argument bancal me parait être l’excuse à une mesure plus sournoise comme en témoigne cet extrait « le développement du prêt numérique via les bibliothèques dont on sait qu’il permet de réduire le piratage. Ce rôle important que les bibliothèques peuvent jouer contre le piratage » issu cet article : http://www.lettresnumeriques.be/2015/06/12/le-marche-du-livre-numerique-et-la-place-des-bibliotheques-publiques-france-quebec-italie-espagne-belgique-partie-1/ Il y a là un parti pris extrêmement dangereux. Les bibliothèques cherchent à diffuser le savoir. Certainement pas à garantir la protection de droits. Il y a là une confusion et un parti pris très dangereux.
Finalement, vous ne comprenez pas je pense les différences fondamentales entre les pratiques culturelles, et en particulier celles qui concernent la lecture numérique entre le Canada – même francophone – et la France et la Belgique. Selon cette source, 58% des Canadiens ont lu un ebook en 2014. On est extrêmement loin de ces chiffres ici. Et ce n’est pas qu’une question d’accès : il serait absolument absurde de croire que si seulement 15% ont lu un ebook en France et en Belgique, c’est parce que leur bibliothèque ne fournit pas de contenu. Non. Chez nous, les lecteurs sont encore très attachés au papier et beaucoup ne sont tout simplement pas intéressés par l’ebook.
Je vous renvoie à votre propre absurdité avec votre affirmation suivante : « Si seulement 15% de la population a fait l’expérience du numérique, ne devrions-nous pas, en tant qu’experts du livre, travailler concrètement à familiariser la population à la lecture numérique? » Et je réponds NON. Proposer le test, informer, oui évidement. Mais fournir des catalogues mal négociés et hors de prix à un public qui ne désire pas lire en numérique ? Pourquoi courir à l’innovation sans objectifs ? Je répète, notre mission n’est pas de promouvoir des produits innovants mais fournir de l’information. Et aujourd’hui, chez nous, en considérant les pratiques culturelles, ce n’est pas (encore) par l’ebook que ça se joue.
La SNCF travaille concrètement à « familiariser la population à la lecture numérique » au travers de proposition comme celle-ci.
https://e-livre.sncf.com/ Elle touche par définition un public très large qui doit recouper en bien des points celui des bibliothèques. Si ce n’est pas aux bibliothèques publiques de faire des propositions en direction de ces publics, alors laissons le terrain à la seule SNCF avec la qualité de médiation qui va avec…
Bonjour Madame Drasant,
Vous annoncez vous positionner non sur les moyens mais sur les missions des bibliothèques et citez en référence l’Unesco (que je cite aussi régulièrement). Je m’en réjouis…
Néanmoins, il y a une incohérence dans votre texte car la proposition de contenus numériques aux usagers des bibliothèques vise tout à fait les objectifs que vous citez, contrairement à ce que vous tentez de démontrer à grand peine.
Par ailleurs, lorsque je rapproche ce que vous dites en deux points de votre texte : « Le débat est trop important pour faire une stupide guerre de chiffres et en rester uniquement sur les quelques approximations (qui méritent corrections bien sûr) sans se pencher sur le fond du problème. » et: « Mais fournir des catalogues mal négociés et hors de prix » une nouvelle incohérence apparaît. En effet, on ne peut tirer ce genre de conclusion au départ d’analyses qui présentent des chiffres erronés (et non pas approximatifs) et des calculs biaisés.
Or les analyses des auteurs de ce billet présentent systématiquement des chiffres inexacts et des erreurs de calcul. J’ai personnellement analysé en détails la base de données du catalogue PNB et échangé, au côté de plusieurs autres bibliothécaires, avec les groupes d’éditeurs sur leurs offres et donc je connais bien le catalogue, ce qui n’est clairement pas le cas des auteurs de ces billets qui partent toujours du présupposé que PNB est mauvais et ont pour thèse de jeter le discrédit sur ce projet.
A côté de ces fréquentes erreurs et de cette méconnaissance profonde du fonctionnement de PNB et de son catalogue, la méthode adoptée lors des « analyses » et « études d’impact » de SC1 ne tient pas la route. On peut voir rapidement que le choix de la conclusion est effectué en amont et que l’approche est biaisée pour tenter de confirmer une thèse posée a priori. Une démarche d’analyse ne devrait jamais commencer par le « CQFD » qu’on souhaiterait ! (quitte à changer l’hypothèse de départ jusqu’à en trouver une, absurde, qui permette d’arriver à un coût prohibitif)
Puis-je me permettre de vous suggérer, pour la prochaine fois que vous lirez les conclusions abusives d’un raisonnement avec une démarche où la conclusion est posée en prémisse (comme « PNB est hors de prix ») de lui accorder un crédit lié à l’exactitude des chiffres et la précision des calculs présentés, ainsi que de la pertinence de la méthode (et l’hypothèse) choisies ?
Bonne fin de soirée.
Proposer un catalogue n’est pas de la médiation numérique. C’est une offre de contenu et les bibliothécaires devraient se réjouir que les publics puissent avoir de plus en plus facilement des accès variés à ceux-ci. Ils n’ont pas le monopole de la culture mais une mission d’accès à la connaissance pour tous, sans distinction. Personnellement, je me réjouis de l’offre de la SNCF. Voir les accès se multiplier est formidable lorsqu’on travaille pour la culture. Jamais je n’ai dit au passage qu’il ne fallait rien proposer. Je suis d’ailleurs moi-même amatrice d’ebook. Mais je ne peux que constater que la pratique n’est pas encore mûre chez nous, et que PNB dépasse les besoins tout en ne respectant pas des principes essentiels (dont la protection des données personnelles). Rappelons le Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique: « Les collections et les services doivent être exempts de toute forme de censure, idéologique, politique ou religieuse, ou de pressions commerciales. » http://www.unesco.org/webworld/libraries/manifestos/libraman_fr.html Relisez au passage les missions des bibliothèques publiques : il n’a jamais été dit nulle part que les bibliothèques devaient « encourager, développer la lecture NUMERIQUE ». Ne pas confondre moyens et objectifs.
Ne rien faire donc… Je me réjouis qu’en Belgique, en Suisse et dans plusieurs villes, d’autres ne pensent pas comme vous. Bonne continuation.