Après l’annonce cette semaine de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le collectif SavoirsCom1 exprime sa gratitude envers l’ensemble des composantes du mouvement social rassemblées dans cette lutte et sa solidarité avec les habitant-e-s de la zone qui ont permis, grâce à leur occupation, de remporter cette victoire.
Il appartient à présent au gouvernement de ne pas faire usage de la force pour expulser les zadistes en situation illégale et de laisser à toutes les parties prenantes le temps de proposer une solution qui permette à la zone de continuer à être le formidable espace d’expérimentation des possibles qu’elle est devenue.
Car la ZAD s’est transformée au fil du temps en un véritable laboratoire des Communs et du Commun, comme l’exprimaient eux-mêmes les habitants dans ce texte publié en 2015 : De la ZAD aux Communaux,
Les communs, cʼest toutes les infrastructures de lʼautonomie dont a su se doter le mouvement au fil des années et qui sʼinventent au jour le jour dans ce bocage. Ces outils sont multiples et ont pour objet de sʼorganiser collectivement pour répondre à nos besoins :
• se nourrir (cultures collectives sur les terres occupées, formes de mise en partage des machines agricoles communes, tentatives de distribution non marchandes des denrées autoproduites sur la zone mais aussi des invendus des supermarchés, etc.),
• sʼinformer et communiquer (radio klaxon, zadnadir, zadnews, photocopilleuses communes, etc.),
• se défendre (formes de mises en partages de matériel médical et dʼapprentissage collectif de gestes de soins, de stratégies de défense face à la police et à la justice, caisse antirépression, diffusion de pratiques et de matériaux pour lʼaffrontement, tractopelle commun, etc.).
Dans un reportage pour Mediapart, la journaliste Jade Lindgaard montre elle aussi que les pratiques collectives des ZADistes sont autant de manières de « mettre en oeuvre les Communs » :
Sur la ZAD, de nombreux lieux de production et de transformation ont vu le jour : Moulin de Saint-Jean, jardin maraîcher collectif des Rouge et Noir, champs de céréales, élevage bovin et production laitière, fabrication de pain, gestion forestière et production de bois, conserverie, bibliothèque. L’enjeu est autant d’occuper le territoire que de démontrer qu’il est possible et souhaitable de produire des biens matériels en dehors des cadres de l’État et du marché.
Et c’est peut-être aussi en transformant la ZAD en bien commun qu’une solution durable et pacifique pourra être trouvée pour l’avenir. C’est en tout cas la question posée par Mathilde Bouquerel sur le site Reporterre, se faisant l’écho de propositions exprimées par des occupants:
Possible juridiquement et concrètement, un statut de commun est-il envisagé par le gouvernement actuel ? « Je suis à peu près sûr que notre manière d’expérimenter va à l’encontre de la façon de penser d’Édouard Philippe, affirme Camille. Mais d’un autre côté, beaucoup de gens ressentent ce que l’on fait comme une source d’inspiration bien au-delà de Notre-Dame-des-Landes. Et ceux qui nous gouvernent ont compris qu’on ne bougera pas. Je ne pense pas qu’ils pensent à cette solution des communs, mais c’est à nous de continuer à la faire exister très concrètement au lendemain de l’abandon. »
Dans la ville de Naples, c’est de cette manière qu’une issue a pu être trouvée pour régulariser la situation de sept lieux historiques, occupés depuis des années par des mouvements sociaux. En 2017, la municipalité a décidé de les déclarer comme « biens communs » pour permettre leur prise en charge collective par les composantes de ces mouvements, dans un cadre repensé avec l’acteur public. Une solution de ce type est possible à Notre-Dame-des-Landes et elle serait une façon de donner corps aux « six propositions pour l’avenir de la ZAD » adoptées l’an dernier par l’ensemble des acteurs de la lutte. Dans ce sens, nous saluons la direction que prend le mouvement d’une action en dialogue avec les pouvoirs publics, qui pourra inscrire le territoire dans une dynamique sur la durée.
Car si la Zone était à Défendre, elle pourra désormais devenir une zone « à Déployer », « Abondamment Désirabl[e] », des « Communes », comme le dit si bien Alain Damasio:
La ZAD de Notre-Dame des Landes a prouvé sa richesse et à sa force. L’acronyme ZAD mute secrètement. De « zone à défendre », il devient pour nous « zone à déployer », à dupliquer, à démultiplier. Zones Abondamment Désirables. (…) Des terres pour en faire des ZAD. Des ZAG (zone à grandir) pour nos-zigues ! Pour y expérimenter des Communes, des modes de vie qui échappent au capitalisme, au calcul-roi, à la mesure et offrent une autonomie ouverte sur le local, les villages alentour. Des Communes poreuses, aérées, lieux de passage, de voyage et de migrations, pôles d’accueil et portes-avions des luttes et des expérimentations.
Un appel au rassemblement a été lancé pour le 10 février prochain sur la ZAD. Des membres du collectif SavoirsCom1 seront présents et nous invitons tous ceux qui veulent défendre l’avenir de la ZAD à faire le déplacement. Pour finir de vous convaincre, on vous reporte à la très belle vidéo Je n’étais jamais venue sur la zad: “Ce week-end là j’ai compris le sens du Commun, et ça m’a bien secouée.”
Nous profiterons de cette occasion pour acheminer des livres au Taslu, la bibliothèque de la ZAD, comme nous l’avons déjà fait à deux reprises. N’hésitez pas à consulter la liste de notre Communauthèque pour contribuer à cet effort en nous contactant pour nous donner des livres ou pour en porter vous-même. Pour mieux connaître la bibliothèque du Taslu, nous vous reportons à ce petit extrait:
Le Taslu : « À la bibliothèque du Taslu, on réfléchit à mettre les livres en commun mais aussi à la façon dont le livre peut faire circuler la ZAD. On organise des rencontres avec des auteurs. Nos permanences sont ouvertes aux personnes extérieures. Pas besoin de carte de bibli pour emprunter, il suffit de laisser un mail et un contact. Plein de gens différents, de Nantes et d’ailleurs, viennent y apporter des livres. Des habitués du coin viennent tous les dimanches pour papoter. On a gardé tous les livres dédicacés que les gens nous ont apportés le jour de la manifestation des bâtons, le 8 octobre 2016. C’est une bibliothèque en construction. On prend le parti qu’elle ne sera jamais close. C’est la métaphore du mouvement. »
Montrons au gouvernement que nous ne résignerons pas à la violence ! Que nous ne laisserons pas disparaître l’espoir dont la ZAD est le symbole vivant !
En cas d’évacuation, on envisage la bibliothèque comme un lieu de résistance acharnée. Si l’État arrive, comment se comportera-t-il face aux livres ? Est-ce qu’ils tirent des lacrymos à l’intérieur ? Passent le bulldozer dessus ? Est-ce qu’ils y mettent le feu ? Est-ce que les auteurs de ces livres se sentiront impliqués pour venir défendre la ZAD ? Il y a un côté romantique dans la résistance d’une bibliothèque. Faire tomber les livres pour bloquer le passage des gendarmes.